ソシュール『一般言語学講義』註解 #24
このシリーズについての概要および凡例はこちら。
原著: pp. 242-245
小林訳: pp. 246-249
菅田訳: pp. 170-173
町田訳: pp. 247-250
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文 § 1.
CHAPITRE VII
L’AGGLUTINATION
§ 1. DÉFINITION.
²⁴²⁻⁴A côté de l’analogie, dont nous venons de marquer l’importance, un autre facteur intervient dans la production d’unités nouvelles : c’est l’agglutination. […]
²⁴²⁻¹³L’agglutination consiste en ce que deux ou plusieurs termes originairement distincts, mais qui se rencontraient fréquemment en syntagme au sein de la phrase, se soudent en une unité absolue ou difficilement analysable. […]
²⁴²⁻²¹Voici quelques exemples. En français on a dit d’abord $${\textit{ce}}$$ $${\textit{ci}}$$ en deux mots, et plus tard $${\textit{ceci}}$$ : mot nouveau, bien que sa matière et ses éléments constitutifs n’aient pas changé. ²⁴²⁻²⁴Comparez encore : franç. $${\textit{tous}}$$ $${\textit{jours}}$$ → $${\textit{toujours,}}$$ $${\textit{au}}$$ $${\textit{jour}}$$ $${\textit{d’}}$$ $${\textit{hui}}$$ → $${\textit{aujourd’hui,}}$$ $${\textit{dès}}$$ $${\textit{jà}}$$ → $${\textit{déjà,}}$$ $${\textit{vert}}$$ $${\textit{jus}}$$ → $${\textit{verjus.}}$$ […]
註解 § 1.
²⁴²⁻⁴A côté de l’analogie, dont nous venons de marquer l’importance, un autre facteur intervient dans la production d’unités nouvelles : c’est l’agglutination.
²⁴²⁻¹³L’agglutination consiste en ce que deux ou plusieurs termes originairement distincts, mais qui se rencontraient fréquemment en syntagme au sein de la phrase, se soudent en une unité absolue ou difficilement analysable.
²⁴²⁻²¹Voici quelques exemples. En français on a dit d’abord $${\textit{ce}}$$ $${\textit{ci}}$$ en deux mots, et plus tard $${\textit{ceci}}$$ : mot nouveau, bien que sa matière et ses éléments constitutifs n’aient pas changé.
²⁴²⁻²⁴Comparez encore : franç. $${\textit{tous}}$$ $${\textit{jours}}$$ → $${\textit{toujours,}}$$ $${\textit{au}}$$ $${\textit{jour}}$$ $${\textit{d’}}$$ $${\textit{hui}}$$ → $${\textit{aujourd’hui,}}$$ $${\textit{dès}}$$ $${\textit{jà}}$$ → $${\textit{déjà,}}$$ $${\textit{vert}}$$ $${\textit{jus}}$$ → $${\textit{verjus.}}$$ […]
Cours 原文 § 2.
§ 2. AGGLUTINATION ET ANALOGIE.
²⁴³⁻²⁹Le contraste entre l’analogie et l’agglutination est frappant :
²⁴³⁻³¹1º Dans l’agglutination deux ou plusieurs unités se confondent en une seule par synthèse (par exemple $${\textit{encore,}}$$ de $${\textit{hanc}}$$ $${\textit{hōram}\text{),}}$$ ou bien deux sous-unités n’en forment plus qu’une (cf. $${\textit{hḗd-isto-s,}}$$ de $${\textit{*swād-is-to-s,}\text{).}}$$ ²⁴⁴⁻¹Au contraire l’analogie part d’unités inférieures pour en faire une unité supérieure. ²⁴⁴⁻³Pour créer $${\textit{pāg-ānus,}}$$ elle a uni un radical $${\textit{pāg-}}$$ et un suffixe $${\textit{-ānus.}}$$
²⁴⁴⁻⁵2º L’agglutination opère uniquement dans la sphère syntagmatique ; son action porte sur un groupe donné ; elle ne considère pas autre chose. ²⁴⁴⁻⁷Au contraire l’analogie fait appel aux séries associatives aussi bien qu’aux syntagmes.
²⁴⁴⁻⁹3º L’agglutination n’offre surtout rien de volontaire, rien d’actif ; nous l’avons déjà dit : c’est un simple processus mécanique, où l’assemblage se fait tout seul. ²⁴⁴⁻¹¹Au contraire, l’analogie est un procédé, qui suppose des analyses et des combinaisons, une activité intelligente, une intention.
²⁴⁴⁻¹⁴On emploie souvent les termes de $${\textit{construction}}$$ et de $${\textit{structure}}$$ à propos de la formation des mots ; mais ces termes n’ont pas le même sens selon qu’ils s’appliquent à l’agglutination ou à l’analogie. ²⁴⁴⁻¹⁷Dans le premier cas, ils rappellent la cimentation lente d’éléments qui, en contact dans un syntagme, ont subi une synthèse pouvant aller jusqu’au complet effacement de leurs unités originelles. ²⁴⁴⁻²⁰Dans le cas de l’analogie, au contraire, construction veut dire agencement obtenu d’un seul coup, dans un acte de parole, par la réunion d’un certain nombre d’éléments empruntés à diverses séries associatives.
²⁴⁴⁻²⁵On voit combien il importe de distinguer l’un et l’autre mode de formation. ²⁴⁴⁻²⁶Ainsi en latin $${\textit{possum}}$$ n’est pas autre chose que la soudure de deux mots $${\textit{potis}}$$ $${\textit{sum}}$$ « je suis le maître » : c’est un agglutiné ; au contraire, $${\textit{signifer,}}$$ $${\textit{agricola,}}$$ etc., sont des produits de l’analogie, des constructions faites sur des modèles fournis par la langue. ²⁴⁴⁻³⁰C’est aux créations analogiques seules qu’il faut réserver les termes de $${\textit{composés}}$$ et de $${\textit{dérivés}\text{¹}}$$ […]
1. Ceci revient à dire que ces deux phénomènes combinent leur action dans l’histoire de la langue ; mais l’agglutination précède toujours, et c’est elle qui fournit des modèles à l’analogie. Ainsi le type de composés qui a donné en grec $${\textit{hippó-dromo-s,}}$$ etc., est né par agglutination partielle à une époque de l’indo-européen où les désinences étaient inconnues $${\text{(}\textit{ekwo}}$$ $${\textit{dromo}}$$ équivalait alors à un composé anglais tel que $${\textit{country}}$$ $${\textit{house}\text{) ;}}$$ mais c’est l’analogie qui en a fait une formation productive avant la soudure absolue des éléments. Il en est de même du futur français $${\text{(}\textit{je}}$$ $${\textit{ferai,}}$$ etc.), né en latin vulgaire de l’agglutination de l’infinitif avec le présent du verbe $${\textit{habēre}}$$ $${\text{(}\textit{facere}}$$ $${\textit{habeō}}$$ = « j’ai à faire »). Ainsi c’est par l’intervention de l’analogie que l’agglutination crée des types syntaxiques et travaille pour la grammaire ; livrée à elle-même, elle pousse la synthèse des éléments jusqu’à l’unité absolue et ne produit que des mots indécomposables et improductifs (type $${\textit{hanc}}$$ $${\textit{hōram}}$$ → $${\textit{encore}\text{),}}$$ c’est-à-dire qu’elle travaille pour le lexique $${\text{(}\textit{Éd.}\text{).}}$$
註解 § 2.
²⁴³⁻²⁹Le contraste entre l’analogie et l’agglutination est frappant :
²⁴³⁻³¹1º Dans l’agglutination deux ou plusieurs unités se confondent en une seule par synthèse (par exemple $${\textit{encore,}}$$ de $${\textit{hanc}}$$ $${\textit{hōram}\text{),}}$$ ou bien deux sous-unités n’en forment plus qu’une (cf. $${\textit{hḗd-isto-s,}}$$ de $${\textit{*swād-is-to-s,}\text{).}}$$
²⁴⁴⁻¹Au contraire l’analogie part d’unités inférieures pour en faire une unité supérieure.
²⁴⁴⁻³Pour créer $${\textit{pāg-ānus,}}$$ elle a uni un radical $${\textit{pāg-}}$$ et un suffixe $${\textit{-ānus.}}$$
²⁴⁴⁻⁵2º L’agglutination opère uniquement dans la sphère syntagmatique ; son action porte sur un groupe donné ; elle ne considère pas autre chose.
²⁴⁴⁻⁷Au contraire l’analogie fait appel aux séries associatives aussi bien qu’aux syntagmes.
²⁴⁴⁻⁹3º L’agglutination n’offre surtout rien de volontaire, rien d’actif ; nous l’avons déjà dit : c’est un simple processus mécanique, où l’assemblage se fait tout seul.
²⁴⁴⁻¹¹Au contraire, l’analogie est un procédé, qui suppose des analyses et des combinaisons, une activité intelligente, une intention.
²⁴⁴⁻¹⁴On emploie souvent les termes de $${\textit{construction}}$$ et de $${\textit{structure}}$$ à propos de la formation des mots ; mais ces termes n’ont pas le même sens selon qu’ils s’appliquent à l’agglutination ou à l’analogie.
²⁴⁴⁻¹⁷Dans le premier cas, ils rappellent la cimentation lente d’éléments qui, en contact dans un syntagme, ont subi une synthèse pouvant aller jusqu’au complet effacement de leurs unités originelles.
²⁴⁴⁻²⁰Dans le cas de l’analogie, au contraire, construction veut dire agencement obtenu d’un seul coup, dans un acte de parole, par la réunion d’un certain nombre d’éléments empruntés à diverses séries associatives.
²⁴⁴⁻²⁵On voit combien il importe de distinguer l’un et l’autre mode de formation.
²⁴⁴⁻²⁶Ainsi en latin $${\textit{possum}}$$ n’est pas autre chose que la soudure de deux mots $${\textit{potis}}$$ $${\textit{sum}}$$ « je suis le maître » : c’est un agglutiné ; au contraire, $${\textit{signifer,}}$$ $${\textit{agricola,}}$$ etc., sont des produits de l’analogie, des constructions faites sur des modèles fournis par la langue.
²⁴⁴⁻³⁰C’est aux créations analogiques seules qu’il faut réserver les termes de $${\textit{composés}}$$ et de $${\textit{dérivés}\text{¹}}$$
1. Ceci revient à dire que ces deux phénomènes combinent leur action dans l’histoire de la langue ; mais l’agglutination précède toujours, et c’est elle qui fournit des modèles à l’analogie.
Ainsi le type de composés qui a donné en grec $${\textit{hippó-dromo-s,}}$$ etc., est né par agglutination partielle à une époque de l’indo-européen où les désinences étaient inconnues $${\text{(}\textit{ekwo}}$$ $${\textit{dromo}}$$ équivalait alors à un composé anglais tel que $${\textit{country}}$$ $${\textit{house}\text{) ;}}$$ mais c’est l’analogie qui en a fait une formation productive avant la soudure absolue des éléments.
Il en est de même du futur français $${\text{(}\textit{je}}$$ $${\textit{ferai,}}$$ etc.), né en latin vulgaire de l’agglutination de l’infinitif avec le présent du verbe $${\textit{habēre}}$$ $${\text{(}\textit{facere}}$$ $${\textit{habeō}}$$ = « j’ai à faire »).
Ainsi c’est par l’intervention de l’analogie que l’agglutination crée des types syntaxiques et travaille pour la grammaire ; livrée à elle-même, elle pousse la synthèse des éléments jusqu’à l’unité absolue et ne produit que des mots indécomposables et improductifs (type $${\textit{hanc}}$$ $${\textit{hōram}}$$ → $${\textit{encore}\text{),}}$$ c’est-à-dire qu’elle travaille pour le lexique $${\text{(}\textit{Éd.}\text{).}}$$
ここから先は
¥ 100
この記事が気に入ったらサポートをしてみませんか?