ソシュール『一般言語学講義』註解 #09
このシリーズについての概要および凡例はこちら。
原著: pp. 114-140
小林訳: pp. 112-139
菅田訳: pp. 52-69
町田訳: pp. 117-142
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文 § 1.
CHAPITRE III
LA LINGUISTIQUE STATIQUE ET LA LINGUISTIQUE ÉVOLUTIVE
§ 1. DUALITÉ INTERNE DE TOUTES LES SCIENCES OPÉRANT SUR LES VALEURS.
¹¹⁴⁻⁶Bien peu de linguistes se doutent que l’intervention du facteur temps est propre à créer à la linguistique des difficultés particulières et qu’elle place leur science devant deux routes absolument divergentes. […]
¹¹⁵⁻¹⁵Il est certain que toutes les sciences auraient intérêt à marquer plus scrupuleusement les axes sur lesquels sont situées les choses dont elles s’occupent ; il faudrait partout distinguer selon la figure suivante :
¹¹⁵⁻¹⁸1º $${\textit{l’axe}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{simultanéités,}}$$ (AB), concernant les rapports entre choses coexistantes, d’où toute intervention du temps est exclue, et 2º $${\textit{l’axe}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{successivités}}$$ (CD), sur lequel on ne peut jamais considérer qu’une chose à la fois, mais où sont situées toutes les choses du premier axe avec leurs changements.
¹¹⁵⁻³¹Pour les sciences travaillant sur des valeurs, cette distinction devient une nécessité pratique, et dans certains cas une nécessité absolue. ¹¹⁵⁻³⁴Dans ce domaine on peut mettre les savants au défi d’organiser leurs recherches d’une façon rigoureuse sans tenir compte des deux axes, sans distinguer le système des valeurs considérées en soi, de ces mêmes valeurs considérées en fonction du temps. […]
¹¹⁶⁻³⁰Voilà pourquoi nous distinguons deux linguistiques. Comment les désignerons-nous ? […] ¹¹⁷⁻⁵Les termes $${\text{d’}\textit{évolution}}$$ et de $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{évolutive}}$$ sont plus précis, et nous les emploierons souvent ; par opposition on peut parler de la science des $${\textit{états}}$$ de langue ou $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{statique.}}$$
¹¹⁷⁻⁹Mais pour mieux marquer cette opposition et ce croisement de deux ordres de phénomènes relatifs au même objet, nous préférons parler de linguistique $${\textit{synchronique}}$$ et de linguistique $${\textit{diachronique.}}$$ ¹¹⁷⁻¹²Est synchronique tout ce qui se rapporte à l’aspect statique de notre science, diachronique tout ce qui a trait aux évolutions. ¹¹⁷⁻¹⁴De même $${\textit{synchronie}}$$ et $${\textit{diachronie}}$$ désigneront respectivement un état de langue et une phase d’évolution.
註解 § 1.
¹¹⁴⁻⁶Bien peu de linguistes se doutent que l’intervention du facteur temps est propre à créer à la linguistique des difficultés particulières et qu’elle place leur science devant deux routes absolument divergentes.
¹¹⁵⁻¹⁵Il est certain que toutes les sciences auraient intérêt à marquer plus scrupuleusement les axes sur lesquels sont situées les choses dont elles s’occupent ; il faudrait partout distinguer selon la figure suivante :
¹¹⁵⁻¹⁸1º $${\textit{l’axe}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{simultanéités,}}$$ (AB), concernant les rapports entre choses coexistantes, d’où toute intervention du temps est exclue, et 2º $${\textit{l’axe}}$$$${\textit{des}}$$$${\textit{successivités}}$$ (CD), sur lequel on ne peut jamais considérer qu’une chose à la fois, mais où sont situées toutes les choses du premier axe avec leurs changements.
¹¹⁵⁻³¹Pour les sciences travaillant sur des valeurs, cette distinction devient une nécessité pratique, et dans certains cas une nécessité absolue.
¹¹⁵⁻³⁴Dans ce domaine on peut mettre les savants au défi d’organiser leurs recherches d’une façon rigoureuse sans tenir compte des deux axes, sans distinguer le système des valeurs considérées en soi, de ces mêmes valeurs considérées en fonction du temps.
¹¹⁶⁻³⁰Voilà pourquoi nous distinguons deux linguistiques. Comment les désignerons-nous ? […]
¹¹⁷⁻⁵Les termes $${\text{d’}\textit{évolution}}$$ et de $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{évolutive}}$$ sont plus précis, et nous les emploierons souvent ; par opposition on peut parler de la science des $${\textit{états}}$$ de langue ou $${\textit{linguistique}}$$ $${\textit{statique.}}$$
¹¹⁷⁻⁹Mais pour mieux marquer cette opposition et ce croisement de deux ordres de phénomènes relatifs au même objet, nous préférons parler de linguistique $${\textit{synchronique}}$$ et de linguistique $${\textit{diachronique.}}$$
¹¹⁷⁻¹²Est synchronique tout ce qui se rapporte à l’aspect statique de notre science, diachronique tout ce qui a trait aux évolutions.
¹¹⁷⁻¹⁴De même $${\textit{synchronie}}$$ et $${\textit{diachronie}}$$ désigneront respectivement un état de langue et une phase d’évolution.
Cours 原文 § 2.
§ 2. LA DUALITÉ INTERNE ET L’HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE.
¹¹⁷⁻¹⁸La première chose qui frappe quand on étudie les faits de langue, c’est que pour le sujet parlant leur succession dans le temps est inexistante : il est devant un état. […]
¹¹⁸⁻¹Depuis que la linguistique moderne existe, on peut dire qu’elle s’est absorbée tout entière dans la diachronie. […]
¹¹⁸⁻¹²D’autre part, comment ont procédé ceux qui ont étudié la langue avant la fondation des études linguistiques, c’est-à-dire les « grammairiens » inspirés par les méthodes traditionnelles ? […] ¹¹⁸⁻¹⁸leur programme est strictement synchronique. ¹¹⁸⁻¹⁹Ainsi la grammaire de Port-Royal essaie de décrire l’état du français sous Louis XIV et d’en déterminer les valeurs. ¹¹⁸⁻²¹Elle n’a pas besoin pour cela de la langue du moyen âge ; […]
¹¹⁸⁻³¹On a reproché à la grammaire classique de n’être pas scientifique ; pourtant sa base est moins critiquable et son objet mieux défini que ce n’est le cas pour la linguistique inaugurée par Bopp. ¹¹⁸⁻³⁴Celle-ci, en se plaçant sur un terrain mal délimité, ne sait pas exactement vers quel but elle tend. ¹¹⁸⁻³⁵Elle est à cheval sur deux domaines, parce qu’elle n’a pas su distinguer nettement entre les états et les successivités.
¹¹⁹⁻³Après avoir accordé une trop grande place à l’histoire, la linguistique retournera au point de vue statique de la grammaire traditionnelle, mais dans un esprit nouveau et avec d’autres procédés, et la méthode historique aura contribué à ce rajeunissement ; […]
註解 § 2.
¹¹⁷⁻¹⁸La première chose qui frappe quand on étudie les faits de langue, c’est que pour le sujet parlant leur succession dans le temps est inexistante : il est devant un état.
¹¹⁸⁻¹Depuis que la linguistique moderne existe, on peut dire qu’elle s’est absorbée tout entière dans la diachronie.
¹¹⁸⁻¹²D’autre part, comment ont procédé ceux qui ont étudié la langue avant la fondation des études linguistiques, c’est-à-dire les « grammairiens » inspirés par les méthodes traditionnelles ?
¹¹⁸⁻¹⁸leur programme est strictement synchronique.
¹¹⁸⁻¹⁹Ainsi la grammaire de Port-Royal essaie de décrire l’état du français sous Louis XIV et d’en déterminer les valeurs.
¹¹⁸⁻²¹Elle n’a pas besoin pour cela de la langue du moyen âge ;
¹¹⁸⁻³¹On a reproché à la grammaire classique de n’être pas scientifique ; pourtant sa base est moins critiquable et son objet mieux défini que ce n’est le cas pour la linguistique inaugurée par Bopp.
¹¹⁸⁻³⁴Celle-ci, en se plaçant sur un terrain mal délimité, ne sait pas exactement vers quel but elle tend.
¹¹⁸⁻³⁵Elle est à cheval sur deux domaines, parce qu’elle n’a pas su distinguer nettement entre les états et les successivités.
¹¹⁹⁻³Après avoir accordé une trop grande place à l’histoire, la linguistique retournera au point de vue statique de la grammaire traditionnelle, mais dans un esprit nouveau et avec d’autres procédés, et la méthode historique aura contribué à ce rajeunissement ; […]
Cours 原文 § 3.
§ 3. LA DUALITÉ INTERNE ILLUSTRÉE PAR DES EXEMPLES.
¹¹⁹⁻¹⁴L’opposition entre les deux points de vue — synchronique et diachronique — est absolue et ne souffre pas de compromis. ¹¹⁹⁻¹⁶Quelques faits nous montreront en quoi consiste cette différence et pourquoi elle est irréductible.
¹¹⁹⁻¹⁸Le latin $${\textit{crispus,}}$$ « ondulé, crêpé », a fourni au français un radical $${\textit{crép-},}$$ d’où les verbes $${\textit{crépir}}$$ « recouvrir de mortier », et $${\textit{décrépir,}}$$ « enlever le mortier ». ¹¹⁹⁻²⁰D’autre part, à un certain moment, on a emprunté au latin le mot $${\textit{dēcrepitus,}}$$ « usé par l’âge », dont on ignore l’étymologie, et on en a fait $${\textit{décrépit.}}$$ ¹¹⁹⁻²³Or il est certain qu’aujourd’hui la masse des sujets parlants établit un rapport entre « un mur $${\textit{décrépi}}$$ » et « un homme $${\textit{décrépit}}$$ », bien qu’historiquement ces deux mots n’aient rien à faire l’un avec l’autre ; on parle souvent de la façade $${\textit{décrépite}}$$ d’une maison. ¹¹⁹⁻²⁷Et c’est un fait statique, puisqu’il s’agit d’un rapport entre deux termes coexistants dans la langue. […]
¹²⁰⁻⁴Voici un autre exemple, d’une portée tout à fait générale. ¹²⁰⁻⁵En vieux-haut-allemand le pluriel de $${\textit{gast}}$$ « l’hôte », fut d’abord $${\textit{gasti,}}$$ celui de $${\textit{hant}}$$ « la main », $${\textit{hanti,}}$$ etc. ¹²⁰⁻⁶Plus tard cet $${\textit{-i}}$$ a produit un umlaut, c’est-à-dire a eu pour effet de changer $${a}$$ en $${e}$$ dans la syllabe précédente : $${\textit{gasti}}$$ → $${\textit{gesti,}}$$ $${\textit{hanti}}$$ → $${\textit{henti.}}$$ ¹²⁰⁻⁹Puis cet $${\text{-}i}$$ a perdu son timbre d’où $${\textit{gesti}}$$ → $${\textit{geste,}}$$ etc. ¹²⁰⁻¹⁰En conséquence on a aujourd’hui $${\textit{Gast : Gäste,}}$$ $${\textit{Hand : Hände,}}$$ et toute une classe de mots présente la même différence entre le singulier et le pluriel. […]
[…] ¹²²⁻¹⁹le fait de synchronie est toujours significatif ; il fait toujours appel à deux termes simultanés ; ce n’est pas $${\textit{Gäste}}$$ qui exprime le pluriel, mais l’opposition $${\textit{Gast : Gäste.}}$$ ¹²²⁻²²Dans le fait diachronique, c’est juste l’inverse : il n’intéresse qu’un seul terme, et pour qu’une forme nouvelle $${(\textit{Gäste})}$$ apparaisse, il faut que l’ancienne $${(\textit{gasti})}$$ lui cède la place. […]
註解 § 3.
¹¹⁹⁻¹⁴L’opposition entre les deux points de vue — synchronique et diachronique — est absolue et ne souffre pas de compromis.
¹¹⁹⁻¹⁶Quelques faits nous montreront en quoi consiste cette différence et pourquoi elle est irréductible.
¹¹⁹⁻¹⁸Le latin $${\textit{crispus,}}$$ « ondulé, crêpé », a fourni au français un radical $${\textit{crép-},}$$ d’où les verbes $${\textit{crépir}}$$ « recouvrir de mortier », et $${\textit{décrépir,}}$$ « enlever le mortier ».
¹¹⁹⁻²⁰D’autre part, à un certain moment, on a emprunté au latin le mot $${\textit{dēcrepitus,}}$$ « usé par l’âge », dont on ignore l’étymologie, et on en a fait $${\textit{décrépit.}}$$
¹¹⁹⁻²³Or il est certain qu’aujourd’hui la masse des sujets parlants établit un rapport entre « un mur $${\textit{décrépi}}$$ » et « un homme $${\textit{décrépit}}$$ », bien qu’historiquement ces deux mots n’aient rien à faire l’un avec l’autre ; on parle souvent de la façade $${\bm{décrépite}}$$ d’une maison.
¹¹⁹⁻²⁷Et c’est un fait statique, puisqu’il s’agit d’un rapport entre deux termes coexistants dans la langue.
¹²⁰⁻⁴Voici un autre exemple, d’une portée tout à fait générale.
¹²⁰⁻⁵En vieux-haut-allemand le pluriel de $${\textit{gast}}$$ « l’hôte », fut d’abord $${\textit{gasti,}}$$ celui de $${\textit{hant}}$$ « la main », $${\textit{hanti,}}$$ etc.
¹²⁰⁻⁶Plus tard cet $${\textit{-i}}$$ a produit un umlaut, c’est-à-dire a eu pour effet de changer $${a}$$ en $${e}$$ dans la syllabe précédente : $${\textit{gasti}}$$ → $${\textit{gesti,}}$$ $${\textit{hanti}}$$ → $${\textit{henti.}}$$
¹²⁰⁻⁹Puis cet $${\text{-}i}$$ a perdu son timbre d’où $${\textit{gesti}}$$ → $${\textit{geste,}}$$ etc.
¹²⁰⁻¹⁰En conséquence on a aujourd’hui $${\textit{Gast : Gäste,}}$$ $${\textit{Hand : Hände,}}$$ et toute une classe de mots présente la même différence entre le singulier et le pluriel.
¹²²⁻¹⁹le fait de synchronie est toujours significatif ; il fait toujours appel à deux termes simultanés ; ce n’est pas $${\textit{Gäste}}$$ qui exprime le pluriel, mais l’opposition $${\textit{Gast : Gäste.}}$$
¹²²⁻²²Dans le fait diachronique, c’est juste l’inverse : il n’intéresse qu’un seul terme, et pour qu’une forme nouvelle $${(\textit{Gäste})}$$ apparaisse, il faut que l’ancienne $${(\textit{gasti})}$$ lui cède la place. […]
Cours 原文 § 4.
§ 4. LA DIFFÉRENCE DES DEUX ORDRES ILLUSTRÉE PAR DES COMPARAISONS.
¹²⁴⁻²⁷Pour montrer à la fois l’autonomie et l’interdépendance du synchronique et du diachronique, on peut comparer le premier à la projection d’un corps sur un plan. ¹²⁴⁻²⁹En effet toute projection dépend directement du corps projeté, et pourtant elle en diffère, c’est une chose à part. […] ¹²⁴⁻³³En linguistique, même relation entre la réalité historique et un état de langue, qui en est comme la projection à un moment donné. […]
¹²⁵⁻⁸De même encore si l’on coupe transversalement la tige d’un végétal, on remarque sur la surface de section un dessin plus ou moins compliqué ; ce n’est pas autre chose qu’une perspective des fibres longitudinales, et l’on apercevra celles-ci en pratiquant une section perpendiculaire à la première. ¹²⁵⁻¹⁹Ici encore une des perspectives dépend de l’autre : la section longitudinale nous montre les fibres elles-mêmes qui constituent la plante, et la section transversale leur groupement sur un plan particulier ; mais la seconde est distincte de la première car elle fait constater entre les fibres certains rapports qu’on ne pourrait jamais saisir sur un plan longitudinal.
¹²⁵⁻²⁶Mais de toutes les comparaisons qu’on pourrait imaginer, la plus démonstrative est celle qu’on établirait entre le jeu de la langue et une partie d’échecs. […]
¹²⁶⁻³²Dans une partie d’échecs, n’importe quelle position donnée a pour caractère singulier d’être affranchie de ses antécédents ; […]
註解 § 4.
¹²⁴⁻²⁷Pour montrer à la fois l’autonomie et l’interdépendance du synchronique et du diachronique, on peut comparer le premier à la projection d’un corps sur un plan.
¹²⁴⁻²⁹En effet toute projection dépend directement du corps projeté, et pourtant elle en diffère, c’est une chose à part.
¹²⁴⁻³³En linguistique, même relation entre la réalité historique et un état de langue, qui en est comme la projection à un moment donné.
¹²⁵⁻⁸De même encore si l’on coupe transversalement la tige d’un végétal, on remarque sur la surface de section un dessin plus ou moins compliqué ; ce n’est pas autre chose qu’une perspective des fibres longitudinales, et l’on apercevra celles-ci en pratiquant une section perpendiculaire à la première.
¹²⁵⁻¹⁹Ici encore une des perspectives dépend de l’autre : la section longitudinale nous montre les fibres elles-mêmes qui constituent la plante, et la section transversale leur groupement sur un plan particulier ; mais la seconde est distincte de la première car elle fait constater entre les fibres certains rapports qu’on ne pourrait jamais saisir sur un plan longitudinal.
¹²⁵⁻²⁶Mais de toutes les comparaisons qu’on pourrait imaginer, la plus démonstrative est celle qu’on établirait entre le jeu de la langue et une partie d’échecs.
¹²⁶⁻³²Dans une partie d’échecs, n’importe quelle position donnée a pour caractère singulier d’être affranchie de ses antécédents ;
Cours 原文 § 5.
§ 5. LES DEUX LINGUISTIQUES OPPOSÉES DANS LEURS MÉTHODES ET LEURS PRINCIPES.
¹²⁷⁻³¹L’opposition entre le diachronique et le synchronique éclate sur tous les points. ¹²⁷⁻³³Par exemple — et pour commencer par le fait le plus apparent — ils n’ont pas une égale importance. ¹²⁸⁻¹Sur ce point, il est évident que l’aspect synchronique prime l’autre, puisque pour la masse parlante il est la vraie et la seule réalité. ¹²⁸⁻⁴Il en est de même pour le linguiste : s’il se place dans la perspective diachronique, ce n’est plus la langue qu’il aperçoit, mais une série d’événements qui la modifient. […]
¹²⁸⁻¹⁵Les méthodes de chaque ordre diffèrent aussi, et de deux manières :
¹²⁸⁻¹⁷$${a)}$$ La synchronie ne connaît qu’une perspective, celle des sujets parlants, et toute sa méthode consiste à recueillir leur témoignage ; […] ¹²⁸⁻²¹La linguistique diachronique, au contraire, doit distinguer deux perspectives, l’une, $${\textit{prospective,}}$$ qui suit le cours du temps, l’autre $${\textit{rétrospective,}}$$ qui le remonte : […]
¹²⁸⁻²⁷$${b)}$$ Une seconde différence découle des limites du champ qu’embrasse chacune des deux disciplines. ¹²⁸⁻²⁸L’étude synchronique n’a pas pour objet tout ce qui est simultané, mais seulement l’ensemble des faits correspondant à chaque langue ; dans la mesure où cela sera nécessaire, la séparation ira jusqu’aux dialectes et aux sous-dialectes. ¹²⁸⁻³²Au fond le terme de $${\textit{synchronique}}$$ n’est pas assez précis ; il devrait être remplacé par celui, un peu long il est vrai, de $${\textit{idiosynchronique.}}$$ ¹²⁸⁻³⁵Au contraire la linguistique diachronique non seulement ne nécessite pas, mais repousse une semblable spécialisation ; les termes qu’elle considère n’appartiennent pas forcément à une même langue (comparez l’indo-européen $${\textit{*esti,}}$$ le grec $${\textit{ésti,}}$$ l’allemand $${\textit{ist,}}$$ le français $${\textit{est}}$$). ¹²⁹⁻⁴C’est justement la succession des faits diachroniques et leur multiplication spatiale qui crée la diversité des idiomes. […]
[…]¹²⁹⁻¹⁴C’est ainsi que le « phénomène » synchronique n’a rien de commun avec le diachronique ; l’un est un rapport entre éléments simultanés, l’autre la substitution d’un élément à un autre dans le temps, un événement. ¹²⁹⁻¹⁸Nous verrons aussi que les identités diachroniques et synchroniques sont deux choses très différentes : historiquement la négation $${\textit{pas}}$$ est identique au substantif $${\textit{pas,}}$$ tandis que, pris dans la langue d’aujourd’hui, ces deux éléments sont parfaitement distincts. ¹²⁹⁻²³Ces constatations suffiraient pour nous faire comprendre la nécessité de ne pas confondre les deux points de vue ; […]
註解 § 5.
¹²⁷⁻³¹L’opposition entre le diachronique et le synchronique éclate sur tous les points.
¹²⁷⁻³³Par exemple — et pour commencer par le fait le plus apparent — ils n’ont pas une égale importance.
¹²⁸⁻¹Sur ce point, il est évident que l’aspect synchronique prime l’autre, puisque pour la masse parlante il est la vraie et la seule réalité.
¹²⁸⁻⁴Il en est de même pour le linguiste : s’il se place dans la perspective diachronique, ce n’est plus la langue qu’il aperçoit, mais une série d’événements qui la modifient. […]
¹²⁸⁻¹⁵Les méthodes de chaque ordre diffèrent aussi, et de deux manières :
¹²⁸⁻¹⁷$${a)}$$ La synchronie ne connaît qu’une perspective, celle des sujets parlants, et toute sa méthode consiste à recueillir leur témoignage ;
¹²⁸⁻²¹La linguistique diachronique, au contraire, doit distinguer deux perspectives, l’une, $${\bm{prospective,}}$$ qui suit le cours du temps, l’autre $${\bm{rétrospective,}}$$ qui le remonte :
¹²⁸⁻²⁷$${b)}$$ Une seconde différence découle des limites du champ qu’embrasse chacune des deux disciplines.
¹²⁸⁻²⁸L’étude synchronique n’a pas pour objet tout ce qui est simultané, mais seulement l’ensemble des faits correspondant à chaque langue ; dans la mesure où cela sera nécessaire, la séparation ira jusqu’aux dialectes et aux sous-dialectes.
¹²⁸⁻³²Au fond le terme de $${\textit{synchronique}}$$ n’est pas assez précis ; il devrait être remplacé par celui, un peu long il est vrai, de $${\bm{idiosynchronique.}}$$
¹²⁸⁻³⁵Au contraire la linguistique diachronique non seulement ne nécessite pas, mais repousse une semblable spécialisation ; les termes qu’elle considère n’appartiennent pas forcément à une même langue (comparez l’indo-européen $${\textit{*esti,}}$$ le grec $${\textit{ésti,}}$$ l’allemand $${\textit{ist,}}$$ le français $${\textit{est}}$$).
¹²⁹⁻⁴C’est justement la succession des faits diachroniques et leur multiplication spatiale qui crée la diversité des idiomes.
¹²⁹⁻¹⁴C’est ainsi que le « phénomène » synchronique n’a rien de commun avec le diachronique ; l’un est un rapport entre éléments simultanés, l’autre la substitution d’un élément à un autre dans le temps, un événement.
¹²⁹⁻¹⁸Nous verrons aussi que les identités diachroniques et synchroniques sont deux choses très différentes : historiquement la négation $${\textit{pas}}$$ est identique au substantif $${\textit{pas,}}$$ tandis que, pris dans la langue d’aujourd’hui, ces deux éléments sont parfaitement distincts.
¹²⁹⁻²³Ces constatations suffiraient pour nous faire comprendre la nécessité de ne pas confondre les deux points de vue ; […]
Cours 原文 § 6.
§ 6. LOI SYNCHRONIQUE ET LOI DIACHRONIQUE.
¹²⁹⁻²⁹On parle couramment de lois en linguistique ; mais les faits de la langue sont-ils réellement régis par des lois et de quelle nature peuvent-ils être ? ¹²⁹⁻³¹La langue étant une institution sociale, on peut penser $${\textit{a}}$$ $${\textit{priori}}$$ qu’elle est réglée par des prescriptions analogues à celles qui régissent les collectivités. ¹³⁰⁻²Or toute loi sociale a deux caractères fondamentaux : elle est $${\textit{impérative}}$$ et elle est $${\textit{générale}}$$ ; elle s’impose, et elle s’étend à tous les cas, dans certaines limites de temps et de lieu, bien entendu. […]
¹³⁰⁻¹²Voici quelques exemples empruntés au grec, […] :
¹³⁰⁻¹⁴1º Les sonores aspirées de l’indo-européen sont devenues des sourdes aspirées : $${\textit{*dhūmos}}$$ → $${\textit{thūmós}}$$ « souffle de vie », $${\textit{*bherō}}$$ → $${\textit{phérō}}$$ « je porte », etc.
¹³⁰⁻¹⁷2º L’accent ne remonte jamais au delà de l’antépénultième. […]
¹³⁰⁻²⁷La première de ces lois est diachronique : ce qui était $${\textit{dh}}$$ est devenu $${\textit{th,}}$$ etc. ¹³⁰⁻²⁸La seconde exprime un rapport entre l’unité du mot et l’accent, une sorte de contrat entre deux termes coexistants : c’est une loi synchronique. […]
¹³⁴⁻¹⁵Résumons : les faits synchroniques, quels qu’ils soient, présentent une certaine régularité, mais ils n’ont aucun caractère impératif ; les faits diachroniques, au contraire, s’imposent à la langue, mais ils n’ont rien de général. […]
註解 § 6.
¹²⁹⁻²⁹On parle couramment de lois en linguistique ; mais les faits de la langue sont-ils réellement régis par des lois et de quelle nature peuvent-ils être ?
¹²⁹⁻³¹La langue étant une institution sociale, on peut penser $${\textit{a}}$$ $${\textit{priori}}$$ qu’elle est réglée par des prescriptions analogues à celles qui régissent les collectivités.
¹³⁰⁻²Or toute loi sociale a deux caractères fondamentaux : elle est $${\textit{impérative}}$$ et elle est $${\textit{générale}}$$ ; elle s’impose, et elle s’étend à tous les cas, dans certaines limites de temps et de lieu, bien entendu. […]
¹³⁰⁻¹²Voici quelques exemples empruntés au grec, […] :
¹³⁰⁻¹⁴1º Les sonores aspirées de l’indo-européen sont devenues des sourdes aspirées : $${\textit{*dhūmos}}$$ → $${\textit{thūmós}}$$ « souffle de vie », $${\textit{*bherō}}$$ → $${\textit{phérō}}$$ « je porte », etc.
¹³⁰⁻¹⁷2º L’accent ne remonte jamais au delà de l’antépénultième.
¹³⁰⁻²⁷La première de ces lois est diachronique : ce qui était $${\textit{dh}}$$ est devenu $${\textit{th,}}$$ etc.
¹³⁰⁻²⁸La seconde exprime un rapport entre l’unité du mot et l’accent, une sorte de contrat entre deux termes coexistants : c’est une loi synchronique.
¹³⁴⁻¹⁵Résumons : les faits synchroniques, quels qu’ils soient, présentent une certaine régularité, mais ils n’ont aucun caractère impératif ; les faits diachroniques, au contraire, s’imposent à la langue, mais ils n’ont rien de général. […]
Cours 原文 § 7.
§ 7. Y A-T-IL UN POINT DE VUE PANCHRONIQUE ?
¹³⁴⁻²⁶Jusqu’ici nous avons pris le terme de loi dans le sens juridique. ¹³⁴⁻²⁷Mais y aurait-il peut-être dans la langue des lois dans le sens où l’entendent les sciences physiques et naturelles, c’est-à-dire des rapports qui se vérifient partout et toujours ? ¹³⁴⁻³⁰En un mot, la langue ne peut-elle pas être étudiée au point de vue panchronique ?
[…] ¹³⁵⁻⁵dès qu’on parle de faits particuliers et tangibles, il n’y a pas de point de vue panchronique. ¹³⁵⁻⁷Ainsi chaque changement phonétique, quelle que soit d’ailleurs son extension, est limité à un temps et un territoire déterminés ; aucun ne se produit dans tous les temps et dans tous les lieux ; il n’existe que diachroniquement. […] ¹³⁵⁻¹⁴Soit le mot $${\textit{chose}}$$ : au point de vue diachronique, il s’oppose au latin $${\textit{causa}}$$ dont il dérive ; au point de vue synchronique, à tous les termes qui peuvent lui être associés en français moderne. ¹³⁵⁻¹⁷Seuls les sons du mot pris en eux-mêmes $${(\textit{šọz})}$$ donnent lieu à l’observation panchronique ; mais ils n’ont pas de valeur linguistique ; […]
註解 § 7.
¹³⁴⁻²⁶Jusqu’ici nous avons pris le terme de loi dans le sens juridique.
¹³⁴⁻²⁷Mais y aurait-il peut-être dans la langue des lois dans le sens où l’entendent les sciences physiques et naturelles, c’est-à-dire des rapports qui se vérifient partout et toujours ?
¹³⁴⁻³⁰En un mot, la langue ne peut-elle pas être étudiée au point de vue panchronique ?
¹³⁵⁻⁵dès qu’on parle de faits particuliers et tangibles, il n’y a pas de point de vue panchronique.
¹³⁵⁻⁷Ainsi chaque changement phonétique, quelle que soit d’ailleurs son extension, est limité à un temps et un territoire déterminés ; aucun ne se produit dans tous les temps et dans tous les lieux ; il n’existe que diachroniquement.
¹³⁵⁻¹⁴Soit le mot $${\textit{chose}}$$ : au point de vue diachronique, il s’oppose au latin $${\textit{causa}}$$ dont il dérive ; au point de vue synchronique, à tous les termes qui peuvent lui être associés en français moderne.
¹³⁵⁻¹⁷Seuls les sons du mot pris en eux-mêmes $${(\textit{šọz})}$$ donnent lieu à l’observation panchronique ; mais ils n’ont pas de valeur linguistique ;
Cours 原文 § 8.
§ 8. CONSÉQUENCES DE LA CONFUSION DU SYNCHRONIQUE ET DU DIACHRONIQUE.
¹³⁵⁻²⁹Deux cas peuvent se présenter :
$${a)}$$ […] ¹³⁵⁻³³Si $${\textit{dépit}}$$ a signifié en ancien français « mépris », cela ne l’empêche pas d’avoir actuellement un sens tout différent ; étymologie et valeur synchronique sont deux choses distinctes. ¹³⁶⁻³De même encore, la grammaire traditionnelle du français moderne enseigne que, dans certains cas, le participe présent est variable et s’accorde comme un adjectif (cf. « une eau $${\textit{courante}}$$ »), et que dans d’autres il est invariable (cf. « une personne $${\textit{courant}}$$ dans la rue »). ¹³⁶⁻⁸Mais la grammaire historique nous montre qu’il ne s’agit pas d’une seule et même forme : la première est la continuation du participe latin $${(\textit{currentem})}$$ qui est variable, tandis que l’autre vient du gérondif ablatif invariable $${(\textit{currendō}).}$$ […] ¹³⁶⁻¹⁷Sans doute, au point de vue des origines, il y a deux choses dans le participe $${\textit{courant}}$$ ; mais la conscience linguistique les rapproche et n’en reconnaît plus qu’une : cette vérité est aussi absolue et incontestable que l’autre.
¹³⁶⁻²¹$${b)}$$ La vérité synchronique concorde tellement avec la vérité diachronique qu’on les confond, ou bien l’on juge superflu de les dédoubler. ¹³⁶⁻²³Ainsi on croit expliquer le sens actuel du mot $${\textit{père}}$$ en disant que $${\textit{pater}}$$ avait la même signification. ¹³⁶⁻²⁵Autre exemple : $${a}$$ bref latin en syllabe ouverte non initiale s’est changé en $${\textit{i}}$$ : à côté de $${\textit{faciō}}$$ on a $${\textit{conficiō,}}$$ à côté de $${\textit{amīcus,}}$$ $${\textit{inimīcus,}}$$ etc. ¹³⁶⁻²⁷On formule souvent la loi en disant que le $${\textit{a}}$$ de $${\textit{faciō}}$$ devient $${\textit{i}}$$ dans $${\textit{conficiō,}}$$ parce qu’il n’est plus dans la première syllabe. ¹³⁶⁻²⁹Ce n’est pas exact : […] ¹³⁶⁻³¹Pour rétablir la vérité, il faut distinguer deux époques et quatre termes : on a dit d’abord $${\textit{faciō — confaciō}}$$ ; puis $${\textit{confaciō}}$$ s’étant transformé en $${\textit{conficiō,}}$$ tandis que $${\textit{faciō}}$$ subsistait sans changement, on a prononcé $${\textit{faciō — conficiō.}}$$ ¹³⁷⁻³Soit :
¹³⁷⁻⁷Si un « changement » s’est produit, c’est entre $${\textit{confaciō}}$$ et $${\textit{conficiō}}$$ ; […] ¹³⁷⁻⁹Puis à côté de ce changement, naturellement diachronique, il y a un second fait absolument distinct du premier et qui concerne l’opposition purement synchronique entre $${\textit{faciō}}$$ et $${\textit{conficiō.}}$$ […] ¹³⁷⁻²²Comme ces deux ordres de phénomènes se trouvent par ailleurs étroitement liés entre eux, l’un conditionnant l’autre, on finit par croire qu’il ne vaut pas la peine de les distinguer ; en fait la linguistique les a confondus pendant des dizaines d’années sans s’apercevoir que sa méthode ne valait rien. […]
註解 § 8.
¹³⁵⁻²⁹Deux cas peuvent se présenter :
$${a)}$$ […] ¹³⁵⁻³³Si $${\textit{dépit}}$$ a signifié en ancien français « mépris », cela ne l’empêche pas d’avoir actuellement un sens tout différent ; étymologie et valeur synchronique sont deux choses distinctes.
¹³⁶⁻³De même encore, la grammaire traditionnelle du français moderne enseigne que, dans certains cas, le participe présent est variable et s’accorde comme un adjectif (cf. « une eau $${\textit{courante}}$$ »), et que dans d’autres il est invariable (cf. « une personne $${\textit{courant}}$$ dans la rue »).
¹³⁶⁻⁸Mais la grammaire historique nous montre qu’il ne s’agit pas d’une seule et même forme : la première est la continuation du participe latin $${(\textit{currentem})}$$ qui est variable, tandis que l’autre vient du gérondif ablatif invariable $${(\textit{currendō}).}$$
¹³⁶⁻¹⁷Sans doute, au point de vue des origines, il y a deux choses dans le participe $${\textit{courant}}$$ ; mais la conscience linguistique les rapproche et n’en reconnaît plus qu’une : cette vérité est aussi absolue et incontestable que l’autre.
¹³⁶⁻²¹$${b)}$$ La vérité synchronique concorde tellement avec la vérité diachronique qu’on les confond, ou bien l’on juge superflu de les dédoubler.
¹³⁶⁻²³Ainsi on croit expliquer le sens actuel du mot $${\textit{père}}$$ en disant que $${\textit{pater}}$$ avait la même signification.
¹³⁶⁻²⁵Autre exemple : $${a}$$ bref latin en syllabe ouverte non initiale s’est changé en $${\textit{i}}$$ : à côté de $${\textit{faciō}}$$ on a $${\textit{conficiō,}}$$ à côté de $${\textit{amīcus,}}$$ $${\textit{inimīcus,}}$$ etc.
¹³⁶⁻²⁷On formule souvent la loi en disant que le $${\textit{a}}$$ de $${\textit{faciō}}$$ devient $${\textit{i}}$$ dans $${\textit{conficiō,}}$$ parce qu’il n’est plus dans la première syllabe.
¹³⁶⁻²⁹Ce n’est pas exact : […]
¹³⁶⁻³¹Pour rétablir la vérité, il faut distinguer deux époques et quatre termes : on a dit d’abord $${\textit{faciō — confaciō}}$$ ; puis $${\textit{confaciō}}$$ s’étant transformé en $${\textit{conficiō,}}$$ tandis que $${\textit{faciō}}$$ subsistait sans changement, on a prononcé $${\textit{faciō — conficiō.}}$$
¹³⁷⁻³Soit :
¹³⁷⁻⁷Si un « changement » s’est produit, c’est entre $${\textit{confaciō}}$$ et $${\textit{conficiō}}$$ ;
¹³⁷⁻⁹Puis à côté de ce changement, naturellement diachronique, il y a un second fait absolument distinct du premier et qui concerne l’opposition purement synchronique entre $${\textit{faciō}}$$ et $${\textit{conficiō.}}$$
¹³⁷⁻²²Comme ces deux ordres de phénomènes se trouvent par ailleurs étroitement liés entre eux, l’un conditionnant l’autre, on finit par croire qu’il ne vaut pas la peine de les distinguer ; en fait la linguistique les a confondus pendant des dizaines d’années sans s’apercevoir que sa méthode ne valait rien.
Cours 原文 § 9.
§ 9. CONCLUSIONS.
¹³⁸⁻¹⁰Ainsi la linguistique se trouve ici devant sa seconde bifurcation. ¹³⁸⁻¹¹Il a fallu d’abord choisir entre la langue et la parole ; nous voici maintenant à la croisée des routes qui conduisent l’une, à la diachronie, l’autre à la synchronie.
¹³⁸⁻¹⁴Une fois en possession de ce double principe de classification, on peut ajouter que $${\textit{tout}}$$$${\textit{ce}}$$$${\textit{qui}}$$$${\textit{est}}$$$${\textit{diachronique}}$$$${\textit{dans}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{langue}}$$$${\textit{ne}}$$$${\textit{l’est}}$$$${\textit{que}}$$$${\textit{par}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{parole.}}$$ ¹³⁸⁻¹⁶C’est dans la parole que se trouve le germe de tous les changements : chacun d’eux est lancé d’abord par un certain nombre d’individus avant d’entrer dans l’usage. ¹³⁸⁻¹⁹L’allemand moderne dit : $${\textit{ich}}$$$${\textit{war,}}$$ $${\textit{wir}}$$$${\textit{waren,}}$$ tandis que l’ancien allemand, jusqu’au xᴠɪᵉ siècle, conjuguait : $${\textit{ich}}$$$${\textit{was,}}$$$${\textit{wir}}$$$${\textit{waren}}$$ (l’anglais dit encore : $${\textit{I}}$$$${\textit{was,}}$$$${\textit{we}}$$$${\textit{were}}$$). ¹³⁸⁻²²Comment s’est effectuée cette substitution de $${\textit{war}}$$ à $${\textit{was}}$$ ? ¹³⁸⁻²³Quelques personnes, influencées par $${\textit{waren,}}$$ ont créé $${\textit{war}}$$ par analogie ; c’était un fait de parole ; cette forme, souvent répétée, et acceptée par la communauté, est devenue un fait de langue. ¹³⁸⁻²⁶Mais toutes les innovations de la parole n’ont pas le même succès, et tant qu’elles demeurent individuelles, il n’y a pas à en tenir compte, puisque nous étudions la langue ; […]
[…] ¹³⁹⁻³dans l’histoire de toute innovation on rencontre toujours deux moments distincts : 1º celui où elle surgit chez les individus ; 2º celui où elle est devenue un fait de langue, identique extérieurement, mais adopté par la collectivité.
¹³⁹⁻⁸Le tableau suivant indique la forme rationnelle que doit prendre l’étude linguistique :
[…] ¹⁴⁰⁻¹⁷Les deux parties de la linguistique, ainsi délimitées, feront successivement l’objet de notre étude.
¹⁴⁰⁻¹⁹La $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{synchronique}}$$ s’occupera des rapports logiques et psychologiques reliant des termes coexistants et formant système, tels qu’ils sont aperçus par la même conscience collective.
¹⁴⁰⁻²³La $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{diachronique}}$$ étudiera au contraire les rapports reliant des termes successifs non aperçus par une même conscience collective, et qui se substituent les uns aux autres sans former système entre eux.
註解 § 9.
¹³⁸⁻¹⁰Ainsi la linguistique se trouve ici devant sa seconde bifurcation.
¹³⁸⁻¹¹Il a fallu d’abord choisir entre la langue et la parole ; nous voici maintenant à la croisée des routes qui conduisent l’une, à la diachronie, l’autre à la synchronie.
¹³⁸⁻¹⁴Une fois en possession de ce double principe de classification, on peut ajouter que $${\textit{tout}}$$$${\textit{ce}}$$$${\textit{qui}}$$$${\textit{est}}$$$${\textit{diachronique}}$$$${\textit{dans}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{langue}}$$$${\textit{ne}}$$$${\textit{l’est}}$$$${\textit{que}}$$$${\textit{par}}$$$${\textit{la}}$$$${\textit{parole.}}$$
¹³⁸⁻¹⁶C’est dans la parole que se trouve le germe de tous les changements : chacun d’eux est lancé d’abord par un certain nombre d’individus avant d’entrer dans l’usage.
¹³⁸⁻¹⁹L’allemand moderne dit : $${\textit{ich}}$$$${\textit{war,}}$$ $${\textit{wir}}$$$${\textit{waren,}}$$ tandis que l’ancien allemand, jusqu’au xᴠɪᵉ siècle, conjuguait : $${\textit{ich}}$$$${\textit{was,}}$$$${\textit{wir}}$$$${\textit{waren}}$$ (l’anglais dit encore : $${\textit{I}}$$$${\textit{was,}}$$$${\textit{we}}$$$${\textit{were}}$$).
¹³⁸⁻²²Comment s’est effectuée cette substitution de $${\textit{war}}$$ à $${\textit{was}}$$ ?
¹³⁸⁻²³Quelques personnes, influencées par $${\textit{waren,}}$$ ont créé $${\textit{war}}$$ par analogie ; c’était un fait de parole ; cette forme, souvent répétée, et acceptée par la communauté, est devenue un fait de langue.
¹³⁸⁻²⁶Mais toutes les innovations de la parole n’ont pas le même succès, et tant qu’elles demeurent individuelles, il n’y a pas à en tenir compte, puisque nous étudions la langue ;
¹³⁹⁻³dans l’histoire de toute innovation on rencontre toujours deux moments distincts : 1º celui où elle surgit chez les individus ; 2º celui où elle est devenue un fait de langue, identique extérieurement, mais adopté par la collectivité.
¹³⁹⁻⁸Le tableau suivant indique la forme rationnelle que doit prendre l’étude linguistique :
¹⁴⁰⁻¹⁷Les deux parties de la linguistique, ainsi délimitées, feront successivement l’objet de notre étude.
¹⁴⁰⁻¹⁹La $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{synchronique}}$$ s’occupera des rapports logiques et psychologiques reliant des termes coexistants et formant système, tels qu’ils sont aperçus par la même conscience collective.
¹⁴⁰⁻²³La $${\textit{linguistique}}$$$${\textit{diachronique}}$$ étudiera au contraire les rapports reliant des termes successifs non aperçus par une même conscience collective, et qui se substituent les uns aux autres sans former système entre eux.
ここから先は
¥ 100
この記事が気に入ったらサポートをしてみませんか?