ソシュール『一般言語学講義』註解 #29
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原著: pp. 281-288
小林訳: pp. 289-295
菅田訳: pp. 198-203
町田訳: pp. 286-291
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文 § 1.
CHAPITRE IV
PROPAGATION DES ONDES LINGUISTIQUES
§ 1. LA FORCE D’INTERCOURSE ET L’ESPRIT DE CLOCHER.
[…] ²⁸¹⁻¹¹C’est par l’esprit de clocher qu’une communauté linguistique restreinte reste fidèle aux traditions qui se sont développées dans son sein. ²⁸¹⁻¹³Ces habitudes sont les premières que chaque individu contracte dans son enfance ; de là leur force et leur persistance. ²⁸¹⁻¹⁵Si elles agissaient seules, elles créeraient en matière de langage des particularités allant à l’infini.
²⁸¹⁻¹⁸Mais leurs effets sont corrigés par l’action de la force opposée. ²⁸¹⁻¹⁹Si l’esprit de clocher rend les hommes sédentaires, l’intercourse les oblige à communiquer entre eux. ²⁸¹⁻²¹C’est lui qui amène dans un village les passants d’autres localités, qui déplace une partie de la population à l’occasion d’une fête ou d’une foire, qui réunit sous les drapeaux les hommes de provinces diverses, etc. ²⁸²⁻²En un mot, c’est un principe unifiant, qui contrarie l’action dissolvante de l’esprit de clocher.
²⁸²⁻⁵C’est à l’intercourse qu’est due l’extension et la cohésion d’une langue. ²⁸²⁻⁶Il agit de deux manières : tantôt négativement : il prévient le morcellement dialectal en étouffant une innovation au moment où elle surgit sur un point ; tantôt positivement : il favorise l’unité en acceptant et propageant cette innovation. ²⁸²⁻¹⁰C’est cette seconde forme de l’intercourse qui justifie le mot $${\textit{onde}}$$ pour désigner les limites géographiques d’un fait dialectal ; […]
²⁸³⁻¹²Reprenons l’exemple de la mutation consonantique allemande. ²⁸³⁻¹³Si un phonème $${t}$$ devient $${ts}$$ sur un point du territoire germanique, le nouveau son tend à rayonner autour de son point d’origine, et c’est par cette propagation spatiale qu’il entre en lutte avec le $${t}$$ primitif ou avec d’autres sons qui ont pu en sortir sur d’autres points. ²⁸³⁻¹⁷A l’endroit où elle prend naissance, une innovation de ce genre est un fait phonétique pur ; mais ailleurs elle ne s’établit que géographiquement et par contagion. ²⁸³⁻Ainsi le schéma
$${t}$$
↓
$${ts}$$
n’est valable dans toute sa simplicité qu’au foyer d’innovation ; appliqué à la propagation, il en donnerait une image inexacte.
²⁸³⁻²⁴Le phonéticien distinguera donc soigneusement les foyers d’innovation, où un phonème évolue uniquement sur l’axe du temps, et les aires de contagion qui, relevant à la fois du temps et de l’espace, ne sauraient intervenir dans la théorie des faits phonétiques purs. […] ²⁸³⁻³¹quand une forme $${\textit{herza}}$$ « cœur », venue des Alpes, remplace en Thuringe un plus archaïque $${\textit{herta,}}$$ il ne faut pas parler de changement phonétique, mais d’emprunt de phonème.
註解 § 1.
²⁸¹⁻¹¹C’est par l’esprit de clocher qu’une communauté linguistique restreinte reste fidèle aux traditions qui se sont développées dans son sein.
²⁸¹⁻¹³Ces habitudes sont les premières que chaque individu contracte dans son enfance ; de là leur force et leur persistance.
²⁸¹⁻¹⁵Si elles agissaient seules, elles créeraient en matière de langage des particularités allant à l’infini.
²⁸¹⁻¹⁸Mais leurs effets sont corrigés par l’action de la force opposée.
²⁸¹⁻¹⁹Si l’esprit de clocher rend les hommes sédentaires, l’intercourse les oblige à communiquer entre eux.
²⁸¹⁻²¹C’est lui qui amène dans un village les passants d’autres localités, qui déplace une partie de la population à l’occasion d’une fête ou d’une foire, qui réunit sous les drapeaux les hommes de provinces diverses, etc.
²⁸²⁻²En un mot, c’est un principe unifiant, qui contrarie l’action dissolvante de l’esprit de clocher.
²⁸²⁻⁵C’est à l’intercourse qu’est due l’extension et la cohésion d’une langue.
²⁸²⁻⁶Il agit de deux manières : tantôt négativement : il prévient le morcellement dialectal en étouffant une innovation au moment où elle surgit sur un point ; tantôt positivement : il favorise l’unité en acceptant et propageant cette innovation.
²⁸²⁻¹⁰C’est cette seconde forme de l’intercourse qui justifie le mot $${\textit{onde}}$$ pour désigner les limites géographiques d’un fait dialectal ; […]
²⁸³⁻¹²Reprenons l’exemple de la mutation consonantique allemande.
²⁸³⁻¹³Si un phonème $${t}$$ devient $${ts}$$ sur un point du territoire germanique, le nouveau son tend à rayonner autour de son point d’origine, et c’est par cette propagation spatiale qu’il entre en lutte avec le $${t}$$ primitif ou avec d’autres sons qui ont pu en sortir sur d’autres points.
²⁸³⁻¹⁷A l’endroit où elle prend naissance, une innovation de ce genre est un fait phonétique pur ; mais ailleurs elle ne s’établit que géographiquement et par contagion.
²⁸³⁻Ainsi le schéma $${t}$$ → $${ts}$$ n’est valable dans toute sa simplicité qu’au foyer d’innovation ; appliqué à la propagation, il en donnerait une image inexacte.
²⁸³⁻²⁴Le phonéticien distinguera donc soigneusement les foyers d’innovation, où un phonème évolue uniquement sur l’axe du temps, et les aires de contagion qui, relevant à la fois du temps et de l’espace, ne sauraient intervenir dans la théorie des faits phonétiques purs.
²⁸³⁻³¹quand une forme $${\textit{herza}}$$ « cœur », venue des Alpes, remplace en Thuringe un plus archaïque $${\textit{herta,}}$$ il ne faut pas parler de changement phonétique, mais d’emprunt de phonème.
Cours 原文 § 2.
§ 2. LES DEUX FORCES RAMENÉES A UN PRINCIPE UNIQUE.
[…] ²⁸⁴⁻³²Nous avons vu que dans le domaine du germanique, qui va des Alpes à la mer du Nord, le passage de $${\textit{þ}}$$ à $${d}$$ a été général, tandis que le changement de $${t}$$ en $${ts}$$ $${\text{(}z\text{)}}$$ n’a atteint que le sud ; l’esprit de clocher a créé une opposition entre le sud et le nord ; mais, à l’intérieur de ces limites, grâce à l’intercourse, il y a solidarité linguistique. ²⁸⁵⁻⁵Ainsi en principe il n’y a pas de différence fondamentale entre ce second phénomène et le premier. ²⁸⁵⁻⁶Les mêmes forces sont en présence ; seule l’intensité de leur action varie. […]
註解 § 2.
²⁸⁴⁻³²Nous avons vu que dans le domaine du germanique, qui va des Alpes à la mer du Nord, le passage de $${\textit{þ}}$$ à $${d}$$ a été général, tandis que le changement de $${t}$$ en $${ts}$$ $${\text{(}z\text{)}}$$ n’a atteint que le sud ; l’esprit de clocher a créé une opposition entre le sud et le nord ; mais, à l’intérieur de ces limites, grâce à l’intercourse, il y a solidarité linguistique.
²⁸⁵⁻⁵Ainsi en principe il n’y a pas de différence fondamentale entre ce second phénomène et le premier.
²⁸⁵⁻⁶Les mêmes forces sont en présence ; seule l’intensité de leur action varie.
Cours 原文 § 3.
§ 3. LA DIFFÉRENCIATION LINGUISTIQUE SUR DES TERRITOIRES SÉPARÉS.
[…] ²⁸⁵⁻²⁹Ce phénomène est très fréquent : ainsi dès l’instant où le germanique a pénétré du continent dans les Iles Britanniques, son évolution s’est dédoublée ; d’un côté, les dialectes allemands ; de l’autre, l’anglo-saxon, d’où est sorti l’anglais. ²⁸⁵⁻³³On peut citer encore le français transplanté au Canada. ²⁸⁶⁻¹La discontinuité n’est pas toujours l’effet de la colonisation ou de la conquête : elle peut se produire aussi par isolement : le roumain a perdu le contact avec la masse latine grâce à l’interposition de populations slaves. ²⁸⁶⁻⁴La cause importe peu d’ailleurs ; la question est avant tout de savoir si la séparation joue un rôle dans l’histoire des langues et si elle produit des effets autres que ceux qui apparaissent dans la continuité. […]
²⁸⁷⁻³⁵Quand on dit que la discontinuité a permis à l’anglais de conserver l’ancien $${\textit{þ,}}$$ tandis que ce son devenait $${d}$$ sur tout le continent (exemple : angl. $${\textit{thing}}$$ et all. $${\textit{Ding}\text{),}}$$ c’est comme si l’on prétendait qu’en germanique continental ce changement s’est généralisé grâce à la continuité géographique, alors que cette généralisation aurait très bien pu échouer en dépit de la continuité. ²⁸⁸⁻⁶L’erreur vient, comme toujours, de ce qu’on oppose le dialecte isolé aux dialectes continus. […] ²⁸⁸⁻¹⁰Nous avons vu par exemple que sur le domaine linguistique français $${k}$$ $${\text{(+}\textit{a}\text{)}}$$ a subsisté dans un angle formé par la Picardie et la Normandie, tandis que partout ailleurs il se changeait en la chuintante $${š}$$ $${\text{(}\textit{ch}\text{).}}$$ ²⁸⁸⁻¹⁴Ainsi l’explication par l’isolement reste insuffisante et superficielle. ²⁸⁸⁻¹⁵Il n’est jamais nécessaire d’y faire appel pour expliquer une différenciation ; ce que l’isolement peut faire, la continuité géographique le fait tout aussi bien ; s’il y a une différence entre ces deux ordres de phénomènes, nous ne pouvons pas la saisir. […]
註解 § 3.
²⁸⁵⁻²⁹Ce phénomène est très fréquent : ainsi dès l’instant où le germanique a pénétré du continent dans les Iles Britanniques, son évolution s’est dédoublée ; d’un côté, les dialectes allemands ; de l’autre, l’anglo-saxon, d’où est sorti l’anglais.
²⁸⁵⁻³³On peut citer encore le français transplanté au Canada.
²⁸⁶⁻¹La discontinuité n’est pas toujours l’effet de la colonisation ou de la conquête : elle peut se produire aussi par isolement : le roumain a perdu le contact avec la masse latine grâce à l’interposition de populations slaves.
²⁸⁶⁻⁴La cause importe peu d’ailleurs ; la question est avant tout de savoir si la séparation joue un rôle dans l’histoire des langues et si elle produit des effets autres que ceux qui apparaissent dans la continuité.
²⁸⁷⁻³⁵Quand on dit que la discontinuité a permis à l’anglais de conserver l’ancien $${\textit{þ,}}$$ tandis que ce son devenait $${d}$$ sur tout le continent (exemple : angl. $${\textit{thing}}$$ et all. $${\textit{Ding}\text{),}}$$ c’est comme si l’on prétendait qu’en germanique continental ce changement s’est généralisé grâce à la continuité géographique, alors que cette généralisation aurait très bien pu échouer en dépit de la continuité.
²⁸⁸⁻⁶L’erreur vient, comme toujours, de ce qu’on oppose le dialecte isolé aux dialectes continus.
²⁸⁸⁻¹⁰Nous avons vu par exemple que sur le domaine linguistique français $${k}$$ $${\text{(+}\textit{a}\text{)}}$$ a subsisté dans un angle formé par la Picardie et la Normandie, tandis que partout ailleurs il se changeait en la chuintante $${š}$$ $${\text{(}\textit{ch}\text{).}}$$
²⁸⁸⁻¹⁴Ainsi l’explication par l’isolement reste insuffisante et superficielle.
²⁸⁸⁻¹⁵Il n’est jamais nécessaire d’y faire appel pour expliquer une différenciation ; ce que l’isolement peut faire, la continuité géographique le fait tout aussi bien ; s’il y a une différence entre ces deux ordres de phénomènes, nous ne pouvons pas la saisir.
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