ソシュール『一般言語学講義』註解 #34
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原著: pp. 313-117
小林訳: pp. 323-327
菅田訳: pp. 218-221
町田訳: pp. 315-318
各文の頭についている上付きの数字は、原著の「ページ数-行数」を示しています。
Cours 原文
CHAPITRE V
FAMILLES DE LANGUES ET TYPES LINGUISTIQUES
[…] ³¹³⁻⁵aucune famille de langues n’appartient de droit et une fois pour toutes à un type linguistique. […]
³¹³⁻²¹Soit, par exemple, la famille indo-européenne ; on connaît les caractères distinctifs de la langue dont elle est issue ; le système des sons est d’une grande sobriété ; pas de groupes compliqués de consonnes, pas de consonnes doubles ; un vocalisme monotone, mais qui donne lieu à un jeu d’alternances extrêmement régulières et profondément grammaticales ; un accent de hauteur, qui peut se placer, en principe, sur n’importe quelle syllabe du mot et contribue par conséquent au jeu des oppositions grammaticales ; un rythme quantitatif, reposant uniquement sur l’opposition des syllabes longues et brèves ; une grande facilité pour former des composés et des dérivés ; la flexion nominale et verbale est très riche ; le mot fléchi, portant en lui-même ses déterminations, est autonome dans la phrase, d’où grande liberté de construction et rareté des mots grammaticaux à valeur déterminative ou relationnelle (préverbes, prépositions, etc.).
³¹⁴⁻¹³Or on voit aisément qu’aucun de ces caractères ne s’est maintenu intégralement dans les diverses langues indo-européennes, que plusieurs (par exemple le rôle du rythme quantitatif et de l’accent de hauteur) ne se retrouvent dans aucune ; certaines d’entre elles ont même altéré l’aspect primitif de l’indo-européen au point de faire penser à un type linguistique entièrement différent, par exemple l’anglais, l’arménien, l’irlandais, etc.
³¹⁴⁻²¹Il serait plus légitime de parler de certaines transformations plus ou moins communes aux diverses langues d’une famille. ³¹⁴⁻²³Ainsi l’affaiblissement progressif du mécanisme flexionnel, signalé plus haut, est général dans les langues indo-européennes, bien qu’elles présentent sous ce rapport même des différences notables : c’est le slave qui a le mieux résisté, tandis que l’anglais a réduit la flexion à presque rien. ³¹⁴⁻²⁸Par contre-coup on a vu s’établir, assez généralement aussi, un ordre plus ou moins fixe pour la construction des phrases, et les procédés analytiques d’expression ont tendu à remplacer les procédés synthétiques (valeurs casuelles rendues par des prépositions, formes verbales composées au moyen d’auxiliaires, etc.). […]
³¹⁷⁻¹³Tout en reconnaissant que Schleicher faisait violence à la réalité en voyant dans la langue une chose organique qui porte en elle-même sa loi d’évolution, nous continuons, sans nous en douter, à vouloir en faire une chose organique dans un autre sens, en supposant que le « génie » d’une race ou d’un groupe ethnique tend à ramener sans cesse la langue dans certaines voies déterminées.
³¹⁷⁻²⁰Des incursions que nous venons de faire dans les domaines limitrophes de notre science, il se dégage un enseignement tout négatif, mais d’autant plus intéressant qu’il concorde avec l’idée fondamentale de ce cours : $${\textit{la}}$$ $${\textit{linguistique}}$$ $${\textit{a}}$$ $${\textit{pour}}$$ $${\textit{unique}}$$ $${\textit{et}}$$ $${\textit{véritable}}$$ $${\textit{objet}}$$ $${\textit{la}}$$ $${\textit{langue}}$$ $${\textit{envisagée}}$$ $${\textit{en}}$$ $${\textit{elle-même}}$$ $${\textit{et}}$$ $${\textit{pour}}$$ $${\textit{elle-même.}}$$
註解
³¹³⁻⁵aucune famille de langues n’appartient de droit et une fois pour toutes à un type linguistique.
³¹³⁻²¹Soit, par exemple, la famille indo-européenne ; on connaît les caractères distinctifs de la langue dont elle est issue ; le système des sons est d’une grande sobriété ; pas de groupes compliqués de consonnes, pas de consonnes doubles ; un vocalisme monotone, mais qui donne lieu à un jeu d’alternances extrêmement régulières et profondément grammaticales ; un accent de hauteur, qui peut se placer, en principe, sur n’importe quelle syllabe du mot et contribue par conséquent au jeu des oppositions grammaticales ; un rythme quantitatif, reposant uniquement sur l’opposition des syllabes longues et brèves ; une grande facilité pour former des composés et des dérivés ; la flexion nominale et verbale est très riche ; le mot fléchi, portant en lui-même ses déterminations, est autonome dans la phrase, d’où grande liberté de construction et rareté des mots grammaticaux à valeur déterminative ou relationnelle (préverbes, prépositions, etc.).
³¹⁴⁻¹³Or on voit aisément qu’aucun de ces caractères ne s’est maintenu intégralement dans les diverses langues indo-européennes, que plusieurs (par exemple le rôle du rythme quantitatif et de l’accent de hauteur) ne se retrouvent dans aucune ; certaines d’entre elles ont même altéré l’aspect primitif de l’indo-européen au point de faire penser à un type linguistique entièrement différent, par exemple l’anglais, l’arménien, l’irlandais, etc.
³¹⁴⁻²¹Il serait plus légitime de parler de certaines transformations plus ou moins communes aux diverses langues d’une famille.
³¹⁴⁻²³Ainsi l’affaiblissement progressif du mécanisme flexionnel, signalé plus haut, est général dans les langues indo-européennes, bien qu’elles présentent sous ce rapport même des différences notables : c’est le slave qui a le mieux résisté, tandis que l’anglais a réduit la flexion à presque rien.
³¹⁴⁻²⁸Par contre-coup on a vu s’établir, assez généralement aussi, un ordre plus ou moins fixe pour la construction des phrases, et les procédés analytiques d’expression ont tendu à remplacer les procédés synthétiques (valeurs casuelles rendues par des prépositions, formes verbales composées au moyen d’auxiliaires, etc.).
³¹⁷⁻¹³Tout en reconnaissant que Schleicher faisait violence à la réalité en voyant dans la langue une chose organique qui porte en elle-même sa loi d’évolution, nous continuons, sans nous en douter, à vouloir en faire une chose organique dans un autre sens, en supposant que le « génie » d’une race ou d’un groupe ethnique tend à ramener sans cesse la langue dans certaines voies déterminées.
³¹⁷⁻²⁰Des incursions que nous venons de faire dans les domaines limitrophes de notre science, il se dégage un enseignement tout négatif, mais d’autant plus intéressant qu’il concorde avec l’idée fondamentale de ce cours : $${\textit{la}}$$ $${\textit{linguistique}}$$ $${\textit{a}}$$ $${\textit{pour}}$$ $${\textit{unique}}$$ $${\textit{et}}$$ $${\textit{véritable}}$$ $${\textit{objet}}$$ $${\textit{la}}$$ $${\textit{langue}}$$ $${\textit{envisagée}}$$ $${\textit{en}}$$ $${\textit{elle-même}}$$ $${\textit{et}}$$ $${\textit{pour}}$$ $${\textit{elle-même.}}$$
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