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Les Dieux de Bali et l’Album Gunung Kawi | Vol.1


Journaliste : Bonjour François Du Bois, et merci de nous recevoir chez vous une nouvelle fois.

François Du Bois : Mais c’est un plaisir.

J : C’est à l’occasion de la sixième année de la sortie de votre bestseller, aujourd’hui en neuvième édition, "La Science de la Composition", paru aux éditions Kodansha dans la collection scientifique Blue Backs, que nous avons organisé cette entrevue.

Nous voudrions en savoir plus sur l’album joint à ce livre et destiné à l’origine aux seuls lecteurs : Gunung Kawi.

L'album GUNUNG KAWI

Pourquoi ce sujet, me direz-vous ?
Parce que nous avons entendu parler de beaucoup de mystère autour de la création de cette musique, d’événements à la limite du surnaturel dont vous n’avez jamais parlé au grand public et dont vous avez accepté de nous donner aujourd’hui l’exclusivité.

FDB : Vous êtes bien renseigné. Oui, en fait, j'ai toujours voulu garder les événements liés à la création de cet album secrets, par pudeur dans un premier temps, mais également parce que je ne savais pas comment en parler.

J : Et aujourd’hui, vous vous sentez prêt ?

FDB :  On va voir.

J : Quelle est la première étape de cette création ?

FDB : Le décès de ma mère. Nous sommes début janvier 2018, ma mère, âgée de 89 ans, est dans le coma depuis deux mois en France. J’ai des nouvelles régulièrement par mes sœurs ; il semblerait qu’il n’y ait pas d’évolution concernant sa situation. Je dois partir à Bali. Je tiens à préciser que Bali n’est pas pour moi un lieu de repos, mais un lieu de retraite et d’activités liées aux arts comme la danse traditionnelle que je pratique. 

Juste avant mon départ, j'ai une discussion téléphonique avec une amie hollandaise, Erika qui réside à Bali et qui se trouve être bonze hindouiste. Elle me demande de parler à ma mère qui, selon elle, hésite à partir, et de lui faire part de mon opinion à ce sujet.

Je parle ensuite à ma mère lors d’une prière et lui dis en gros ceci : 

"Maman, si tu as la force de te réveiller et de revenir vers nous sans séquelles, j’aimerais que tu reviennes. Mais si tu n’as pas ou plus la force de revenir sans être à charge, sans souffrir ce que tu détestes par-dessus tout, tu peux partir le cœur léger. Tu as déjà tellement fait pour moi et pour tous autour de toi."

Puis, je me retrouve dans l’avion pour Bali avec Aya et Emi qui font partie de mon proche entourage et, le soir, dans ma chambre à Sanur, je suis très mal à l’aise, l’ambiance est pesante. La nuit, le téléphone sonne à plusieurs reprises, mais personne ne répond au bout du fil.

Le matin, je reçois un message d’une de mes sœurs : "Maman est décédée."

Ma sœur m’annonce que la date prévue pour la cérémonie est trop proche pour que je puisse me déplacer. Ma professeure de danse, Mamik, qui se trouve être médium, propose d’organiser une cérémonie qui aura lieu au même moment que l’incinération du corps de ma mère en France. Ce sera la nuit. Nous préparons les offrandes et allons au bord de la mer pour le rituel.

Dans la maison, avant notre déplacement vers la mer qui ne se trouve qu'à quelques dizaines de mètres, l’atmosphère est d’une lourdeur absolue ; nous sommes tristes, écrasés. Puis, nous partons avec les fleurs et les offrandes quand Mamik me dit :

"Attention, tu dois être fort, joyeux et ne pas pleurer. C’est important que l’âme de ta mère sente qu’elle ne laisse pas derrière elle de la tristesse et de la désolation. Elle doit aller vers la suite de son voyage sans rien regretter, sinon elle risque de rester et d’être une âme égarée."

La plage de Sanur

Nous sommes cinq sur la plage : Aya, Emi, Mamik, une amie balinaise commune, et moi-même. Mamik commente et me précise que l’âme de ma mère fait des allers-retours entre la France et Bali, qu’elle est contente de visiter Sanur, que tout va bien, et finalement arrive le moment ultime où son âme prend le large, en direction de l’océan en s'élevant vers les cieux.

"Elle est heureuse", me dit Mamik.

Je n’ai pas pleuré. Je ne dis pas que cela n’a pas été difficile, mais je ne l’ai pas fait, suivant ainsi les instructions. Nous retournons à la maison et, grande surprise, l’atmosphère est légère. Nous allons même boire du vin pour célébrer le départ de ma mère vers un meilleur avenir. Il faut y croire ou le sentir ; sinon, il ne reste que la tristesse.

J : Cette histoire est incroyablement touchante. Est-ce là que vous avez commencé l’écriture de Gunung Kawi ?

FDB : Absolument pas. À ce moment, je n’avais jamais entendu parler de cet endroit, car oui, Gunung Kawi est en premier lieu un temple. Erika, qui n’avait pas pu faire la cérémonie ou n’avait peut-être pas voulu (à Bali, tout est mystérieux), est venue me voir quelques jours plus tard. Elle m’a proposé de me faire visiter un endroit étrange, unique, qui ne ressemble à rien d’autre : un lieu où les puissants, au 10ᵉ et 11ᵉ siècles, ont choisi de ne rien posséder et de se préparer à la suite de leur voyage après la mort.

Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons, Aya, Emi, Erika, Mamik, et moi, devant l’entrée du temple, aujourd’hui trésor national classé à l’UNESCO. Nous sommes en tenue religieuse, car il n’est pas possible de pénétrer dans l’endroit sans ce type d’habit.

Tenue traditionnelle balinaise

Surprise, il est d’usage dans beaucoup de pays au monde d’édifier des palais ou des temples sur des sommets afin que tout le monde puisse les voir, et là, c’est le contraire : nous commençons par descendre. Le chemin est étroit et bordé de petites boutiques de marchands qui nous proposent des boissons et de magnifiques objets d’art.

Descendre au fond de la vallée par un escalier étroit
Marchand de souvenirs

Tout autour, des rizières en escalier. Nous descendons encore, puis soudain deux grands murs apparaissent, avec une petite ouverture au bout, et nous y sommes. Je suis immédiatement pris à la gorge par cet endroit. Je comprends immédiatement ce que les architectes ont voulu faire. Il y a partout de petites grottes creusées dans les rochers, et plus loin sur la gauche, comme à Monument Valley aux USA, de hautes statues sculptées dans la roche. C’est impressionnant.

Le temple Gunung Kawi

Nous revenons sur nos pas, traversons une rivière très active et agitée, et sur la droite, un escalier de pierre. Nous montons un peu et c’est l’entrée officielle, j’imagine, du temple.

Nous pénétrons dans l’endroit qui, il faut l’avouer, ressemble assez à un temple hindou traditionnel, rien de nouveau. C’est en passant par une petite entrée que nous découvrons ce qui va définitivement sceller une alliance invisible entre moi et ce temple.

On enlève d’abord ses chaussures et puis… des troglodytes partout, des endroits de vie visiblement, sans aucun confort, rien d’humain, lunaire, tout ce qu’un humain "normal" tenterait d’éviter : pas de surface plate pour marcher, pas de porte, rien, rien, rien.

La zone particulièrement sacrée

Et quand on imagine que c’est là que vivaient le Roi Udayana et sa cour, celle du royaume Warmadewa ! C’était à n’y rien comprendre, mais moi ça m’a parlé directement. Après tout, au moment de notre départ, nous n’emporterons rien, sauf peut-être, si l’on est puissant, la tristesse et la frustration de ne rien pouvoir emporter.

Je faisais immédiatement un rapprochement avec le départ de ma mère. J’ai compris en ces lieux qu’ici avaient vécus des êtres supérieurs d’une incroyable évolution spirituelle.

La zone particulièrement sacrée

J : Ce sont des expériences fascinantes. Vous avez maintenant votre source d’inspiration. Comment allez-vous procéder pour créer, à partir de ces éléments, de la musique et la transcrire sur partitions ?

FDB : Cela va encore prendre du temps. Après ces expériences fortes et mon retour à Tokyo, je vais entrer dans un processus de digestion, si j’ose dire.

Je vais passer par plusieurs étapes. Depuis plusieurs années, j'achetais des instruments de musique balinais en grande quantité que j’entassais à Tokyo après chacun de mes voyages, en particulier des gongs, petits et grands. À Yokohama, j’avais fait construire des portiques par un artiste japonais pour suspendre tout ce matériel. Chez moi, il y en avait partout, ce qui avait fait dire à l’un de mes étudiants :

"Mais qu’est-ce que tu vas faire de tout ça ?"

Je lui avais répondu :

"Je ne sais pas, mais je suis sûr que ça va servir à un moment donné."

Et voilà, nous en étions là, c'était le moment attendu.

Chez le fabricant d’instruments balinais
Des instruments d’exception

J : C’est comme si vous aviez anticipé quelque chose en achetant tous ces instruments, comme si vous saviez sans pour autant savoir au moment de l’acquisition. Comme une sorte d’inspiration.

FDB : C’est exactement cela et ça m’a moi-même choqué. C’est comme si tout avait été préparé antérieurement.

J : Donc vous aviez tout devant vous et avez commencé la composition.

FDB : Oui, mais très vite, je me suis rendu compte qu’il me manquait encore des éléments. J’avais besoin d’une basse continue pour l’une des compositions, mais je ne trouvais rien dans la culture musicale de Bali qui pouvait ressembler à cela.

J : Qu’est-ce que c’est qu’une basse continue ?

FDB : Pour faire très simple, c'est une partie de basse instrumentale qui va se répéter et qui va permettre, tout au long d’une pièce musicale, de soutenir un instrument soliste ou une voix, par exemple. Vous trouvez ce système dès l’invention de l’opéra en Europe, mais c’est également le cas dans les musiques traditionnelles comme la musique indienne, par exemple.

Tanjore-style Carnatic tambura
By Martin spaink - Own work, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=26957611

Dans mon cas, je ne cherchais pas à soutenir une mélodie avec cette basse continue, mais je voulais utiliser ce système avec d’autres éléments.

Je commençais à la fois à écrire la musique et à penser à enregistrer cette musique rapidement une fois que l’écriture serait terminée. Il me fallait par ailleurs disposer du mantra principal pour une autre composition, que l’on entend trois fois par jour partout à Bali, à certaines heures très précises.

J : C’est comme dans le monde arabe alors, l’appel à la prière ? C’est très étonnant.

FDB : Vous ne croyez pas si bien dire. L’Indonésie est un pays musulman, mais Bali est hindouiste. C’est la capitale qui a demandé au responsable de l’île de faire cet appel à la prière pour plus de cohérence dans le pays. Les diffusions sur l’ensemble des médias, TV et radios ont lieu à 6h, 12h et 18h.

L’entrée d’un temple hindou balinais

J : Vous avez trouvé une solution pour le mantra ?

FDB : Oui, finalement, ça a été assez facile d’obtenir les autorisations. Je n’étais pas inquiet au moment de l’écriture. J’ai réussi finalement à enregistrer le mantra grâce à l’aide d’amis balinais, mais là, on est dans le futur et encore loin de cette étape. 

L’écriture du morceau contenant ce mantra, pour revenir à cette période, fut une étape essentielle de la composition de l’album ; répétitif et hypnotique, il a servi de socle au titre : “Play with me”. Il fallait intégrer cet élément profondément spirituel et culturel dans ma musique tout en respectant sa signification et sa portée.

Les troglodytes de Gunung Kawi

Ainsi, avec tous ces éléments réunis, l'inspiration de l’album Gunung Kawi a pris forme. Pour ce morceau et pour l’ensemble des morceaux, je me suis plongé dans l’écriture en cherchant à capturer l’essence mystique du temple et des émotions profondes et inspirantes qui l’entouraient.

C’était un voyage intérieur autant qu’artistique, une façon de rendre hommage à ma mère aussi et de transformer le deuil en création. Parallèlement, l’idée d’enregistrer cet album dans un délai de temps relativement proche commençait, comme je vous l’ai signalé, à émerger en moi.  

L'album Gunung Kawi

FDB : À ce moment, un des problèmes principaux pour moi était plutôt de trouver ce qui pourrait tenir lieu de basse continue. 

J :  Et vous vous êtes orienté vers quelle solution ?

FDB : Concernant la basse continue, n’ayant pas de solution, j'ai décidé de mettre de côté cette idée pour l’instant, de commencer l’écriture du reste de la structure du morceau avec l'idée de rajouter cette basse une fois que j’aurais trouvé le bon instrument.

J : C’est assez incroyable vu de l’extérieur de pouvoir composer tout en n’incluant pas dans la musique une des parties qui sera peut-être primordiale. C’est déroutant.

FDB : Bien entendu, surtout que quand cette basse continue sera présente dans la composition, elle risque de changer les équilibres, mais également d’entraîner le morceau vers autre chose. Mais il y a des moments où il faut avancer même si l’on n'a pas tous les éléments.

J : Mais il y a trop de challenge dans cette histoire ! 

FDB : De mon point de vue, quand un projet est déjà un peu fou, autant y aller à fond. Quand on crée, on ne doit pas s’économiser côté création et à n’importe quel niveau du processus. Bref, j’ai fait de mon mieux et puis, en mars, j'étais de retour à Bali.

Je n’avais toujours pas trouvé de solution pour la basse continue, j’en ai alors parlé à Mamik, qui me dit : "Tu n’as qu’à utiliser le Suling." Je lui répondais que le Suling était une flûte aiguë et que je cherchais des sons graves, des basses, qu’on n’y était pas du tout. Mais elle insista :

"Mais si ! Tu vas voir, essaye, ça va marcher !"

Suling balinais

J : J’imagine que vous deviez être complètement dérouté. Qu’est-ce que vous avez fait ?

FDB : Vous savez, je suis à Bali, en face de ma professeure de danse qui est médium. Je me suis dit, c’est dingue, mais essayons. J’étais encore la tête baissée, en train de réfléchir, quand elle me proposa de me présenter un jeune joueur de Suling qui pourrait m’apprendre à jouer de l’instrument.

"Je le contacte ce soir et dès demain, il pourra venir ici avec ses flûtes."

 J’ai accepté et c’est comme ça que j’ai commencé à pratiquer le Suling.

J : Vous aviez déjà joué de la flûte avant ? À l’école ?

FDB : Jamais ! Je démarrais de zéro !

Au début, c'était très déroutant, je n’arrivais pas à bien boucher les trous avec mes doigts. Cependant, le fait de pouvoir bouger et changer de directions tout en jouant était nouveau pour moi et très attrayant. Au marimba ou au piano, il faut rester devant son instrument, pas question de se déplacer de l’autre côté de la scène. Avec la flûte, on peut se déplacer et chercher des endroits avec de meilleures résonances. J’avais oublié mes compositions pour le moment, je voulais juste maîtriser au mieux mon nouvel instrument.

J : Et vous étiez bon ?

FDB : Absolument pas, je me sentais nul. De plus, mon professeur n’avait même pas 20 ans et me faisait sans cesse reprendre les mêmes passages que je n’arrivais pas à jouer correctement.

En plein entraînement intensif de flûte avec le professeur Erik, et Mamik la professeur de danse (à gauche)

J : Mais c’est un peu normal ça, on dirait que votre orgueil en a pris un coup ?

FDB : Bien sûr, c'est normal, mais avec le passé que j’avais dans le monde de la musique, je ne croyais pas revenir à mes débuts en quelque sorte. Vous avez raison, mon orgueil en a pris un coup (rire).

Avec le professeur de Suling, Erik

J : Et Gunung Kawi, vous y êtes retourné ?

FDB : Bien entendu, c’était un des grands objectifs de ce voyage. J’étais très excité en entrant dans la première partie du temple, celle où il y a les grandes statues sculptées dans la montagne. Il me tardait d’aller dans les endroits d’habitation pour être le plus près possible de ma source première d’inspiration.

Une fois devant la grotte de méditation du Roi, Mamik, qui m’avait dit la fois précédente que personne n’était autorisé à entrer dans ce lieu, me dit tout à coup :

"Entre !"

J’étais vraiment étonné et comme je lui demandais de venir avec moi, elle me répondit :

"Non, moi, je n’ai pas l’autorisation. Entre et du dehors, je vais te donner des instructions !"

J : Et c’était quoi votre sentiment, curiosité, peur, joie ?

FDB : Je redoutais un peu, il me faut l’avouer, de rentrer, car du dehors ça fait un peu peur, c’est noir de chez noir, on ne sait pas du tout ce qu'on va trouver dedans…

J : Et vous rentrez.

La grotte de méditation du Roi

FDB : Oui et une fois à l'intérieur de la pièce, à l'entrée, je m'immobilise, laissant mes yeux s'adapter lentement à l'obscurité ambiante. La lumière extérieure peine à pénétrer ces lieux secrets. Peu à peu, je commence à explorer l'intérieur de la grotte. Une sérénité m'envahit, une détente profonde s'installe en moi. C'est un espace à la fois modeste et infiniment vaste.

Au centre, trône une table basse, apparemment recouverte de draperies si moelleuses qu'il semble impossible d'y poser quoi que ce soit. Je me sens merveilleusement bien, comme si j'étais entré dans un hall majestueux.
J’étais entré avec des encens allumés, je fis le tour de la pièce avec précaution. Chaque pas était mesuré, empreint d'une crainte de faire un geste malvenu. Je remarquais des poufs disposés autour, m’invitant à la détente, mais je restais debout.

Après avoir exploré chaque recoin, je retournais à l'endroit où j'avais fait mon entrée et je m'abandonnais à une méditation sans effort, comme si mon esprit s'envolait. Une paix profonde m'envahit, libérant toute tension intérieure, semblable à celle décrite par ceux ayant vécu une expérience aux confins de la mort.

Je me sens accueilli, à l'aise ici. L'idée de quitter cet endroit ne m'effleure plus.

Dans la grotte de méditation du Roi

J : Vous en êtes sorti pourtant, cette expérience a dû être déterminante pour la suite de votre travail ?

FDB : Absolument. Cette immersion totale dans un lieu chargé d’histoire et de spiritualité m’a permis de trouver une inspiration supplémentaire qui m’aidera plus tard à finaliser mes compositions.

C’est à partir de ce moment-là que j’ai réellement compris la direction que devait prendre mon œuvre. Gunung Kawi n’était plus seulement une destination ou un titre d’album, c’était devenu le cœur battant de ma création musicale.

J : Ça a dû être très intense à vous écouter. Comment ont réagi les autres qui vous attendaient dehors, et vous-même, comment vous sentiez-vous ?

FDB : Pour eux, c’était comme si c’était normal. Mamik m’a simplement dit :

“Je voulais te dire de tourner avec les encens autour de la table dans le sens des aiguilles d'une montre, mais je crois que tu l’as fait. Tu sais comment faire!”

En fait, elle ne m’avait donnée aucune instruction.

Ensuite, nous sommes allés dans une autre partie de Gunung Kawi où il y avait un petit temple sur pilotis dédié à la prospérité, Mamik m’a proposé d’y monter pour y faire une cérémonie, ce que j’ai fait.

Le temple dédié à la prospérité
Le temple dédié à la prospérité

J : Et vous saviez comment procéder pour cette cérémonie ?

FDB : Plus ou moins, j’ai fait comme j’ai pu et j’ai exprimé ma gratitude. Ensuite, nous sommes retournés à Sanur.

J’ai continué mes études de flûte et de danse pendant quelques semaines, puis je suis rentré au Japon mi-avril. J’ai commencé à travailler de plus belle sur mes compositions afin de les parfaire et j’ai découvert que le Suling s’adaptait parfaitement à ce que je voulais. Il ne créait pas exactement l’équilibre que j’imaginais avec les graves d’une basse continue, mais plutôt avec les aigus d’une basse continue inversée.

C’est grâce à Mamik que j’ai exploré cette voie, et j’ai finalement découvert que ça fonctionnait ! Bien sûr, pendant mon apprentissage du Suling à Bali, j’avais déjà une idée vague de ce que je pourrais en faire, mais il a fallu que je sois de retour au Japon pour confirmer mes impressions.

Les créateurs et pas seulement les compositeurs peuvent parfois s’être enfermés dans leurs certitudes, ce qui les empêche de sortir des sentiers battus. C’est vrai pour la musique, mais aussi pour la mode et la gastronomie. Il faut oser remettre en question ses idées préconçues pour ne pas se limiter.

J : C’est comme Coco Chanel qui voulait cacher les genoux des femmes parce qu’elle trouvait ça laid !

FDB : Exactement ! Elle avait cette idée en tête, alors que les genoux des femmes sont tout à fait charmants à mes yeux (rires).

J : Et vos projets d’enregistrement ?

FDB : C’est allé très vite, Aya qui est également la présidente de notre société D-Project, avait programmé l’enregistrement pour la première semaine de juin, soit trois semaines après mon retour de Bali, je n’avais pas envie de traîner. 

J : Mais vous aviez beaucoup trop de choses à faire en si peu de temps : trouver des musiciens, répéter, finaliser les arrangements, réserver une salle, engager un ingénieur du son, et surtout assurer le financement. Comment avez-vous géré tout cela en si peu de temps ?

À suivre…

Le temple Gunung Kawi